Les jours qui viennent ne verront probablement pas de gros rebondissements dans l'affaire Alexandre Guérini.
En effet, cette semaine, le juge Charles Duchaine sera entièrement mobilisé par son tour normal de garde à la cour d'appel d'Aix pour d'autres dossiers. Et puis, les élections cantonales approchant, une pause pourrait être observée pour éviter toute suspicion d'influence sur la campagne. Mais, sait-on jamais.
Il n'en reste pas moins que le déroulement de l'affaire et ses conséquences sont dans tous les esprits. On se fera fort d'ailleurs de surveiller la séance du conseil municipal de Marseille ce lundi et celle de MPM vendredi.
Ajoutons que L'Express a publié vendredi un article qui revient entre autres sur le fait que des ordinateurs du cabinet de Jean-Noël Guérini ont été changés à la veille d'une perquisition des gendarmes fin 2009.
Par ailleurs, l'hebdomadaire publie à son tour la retranscription d'une autre écoute téléphonique entre Alexandre Guérini et Michel Karabadjakian.
Enfin, samedi, La Provence a interviewé Eugène Caselli qui raconte sa garde à vue. A la question portant sur ses relations avec Jean-Guérini, il s'est contenté "je le remercie comme tous ceux qui m'ont apporté une marque de confiance dans ces moments difficiles". On lira ci-dessous le pourquoi de ce laconisme : les deux amis ne se parlent plus. Eloquent…
Le PS marseillais embourbé dans une étrange affaire de déchets
Le président de la communauté urbaine de Marseille, Eugène Caselli, est sorti de garde à vue. On lui reproche d'avoir embauché un cadre, sous la pression d'Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël, homme fort du PS local. Un dossier aux multiples ramifications.
Il en avait très peur, et cela a fini par se produire. Le président socialiste de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM) a été placé durant deux jours en garde à vue, les 2 et 3 février 2011, dans le cadre de l'affaire "Alexandre Guérini".
Dans cet incroyable dossier à tiroirs impliquant des marchés publics présumés frauduleux et une nébuleuse de sociétés soupçonnées de blanchiment, Eugène Caselli a notamment dû s'expliquer sur les modalités d'embauche à MPM, en 2008, de Michel Karabadjakian au poste de directeur général adjoint, chargé de la propreté urbaine.
Interrogé par les gendarmes, en novembre 2009, ce dernier avait confié avoir été "surpris par la rapidité de sa nomination" et "compris qu'Alexandre Guérini pilotait son accession à ce poste pour obtenir des marchés publics et des informations relatives à ces marchés."
Difficile de prétendre le contraire, tant les écoutes téléphoniques dont Alexandre a été l'objet sont éloquentes, à l'image de celle que nous reproduisons. Le frère du président (PS) du conseil général nie toutefois être intervenu dans l'embauche de Karabadjakian et avoir exercé des pressions sur lui. Durant sa garde à vue, à la lecture des communications enregistrées où il se montre pour le moins très directif, il répond : "Ma façon de m'exprimer me désavantage parce que je vais droit au but et sans fioriture." Reste que cela lui vaut une mise en examen pour "corruption active" - il est vrai parmi tant d'autres motifs...
L'un des dossiers qu'Alexandre Guérini a tenté de "favoriser" auprès de Michel Karabadjakian concernait l'appel d'offres du marché de collecte des ordures. Sa protégée, la société Bronzo, déjà concessionnaire - filiale à 100% de la Société des eaux de Marseille, elle-même, contrôlée par le géant Veolia, présidée alors par Henri Proglio, un intime d'Alexandre - était en concurrence avec une autre entreprise de ramassage des déchets, ISS Environnement. Las, fin octobre 2009, la commission finit par choisir cette dernière. Colère d'Alexandre et grève immédiate des employés de Bronzo, qui suspendent la collecte et bloquent les centres de stockage.
Déjà, des témoins rapportaient avoir entendu Eugène Caselli apostropher les frères Guérini : "Je ne veux pas aller en prison !". Loin du Vieux Port, dans l'intimité du bureau du maire (PS) de Berre-L'Etang, Serge Andréoni, les trois hommes étaient venus s'expliquer - virilement - sur les événements qui secouaient le landernau phocéen. Sous la pression des tonnes d'ordures qui s'entassaient dans les rues, Eugène Caselli finit par annuler l'appel d'offre.
Aujourd'hui, l'enjeu pour celui qui, hier encore, apparaissait comme l'homme lige de Jean-Noël Guérini, consiste à s'affranchir de son maître - les deux hommes ne s'adressent plus la parole depuis un mois. En l'espèce, durant sa garde à vue, Caselli s'est échiné à démontrer qu'il n'a en rien été mêlé dans le trafic d'influence auquel Alexandre Guérini semblait se livrer avec Michel Karabadjakian.
Le président de MPM est ressorti sans charge du bureau des enquêteurs de la section de recherches de Marseille, contrairement à son homologue Alain Belviso, le président (PC) de la communauté d'agglomération d'Aubagne, mis en examen en janvier, lui, dans un autre tiroir de l'affaire Guérini. Parions que l'élu marseillais a su se montrer coopératif. De quoi inquiéter son ancien mentor.
Un étrange changement d'ordinateurs au conseil général
Dans la cité phocéenne, tous les regards se tournent désormais vers le "vaisseau bleu", siège de l'assemblée départementale, où Jean-Noël Guérini tremble de devoir, lui aussi, s'expliquer devant le juge Duchaine. Le magistrat pourrait l'interroger sur le brusque changement de tous les ordinateurs de son cabinet, au conseil général, quelques jours avant la perquisition des gendarmes, le 30 novembre 2009.
L'approche des élections cantonales pourrait toutefois reporter le "rendez-vous", mais le printemps s'annonce orageux. "Alexandre Guérini a l'habitude de brandir sa main en forme de pistolet dans les cénacles du PS", confie un élu de gauche, qui rapporte la crainte qu'inspire (inspirait) le "roi des poubelles". Il n'a jamais hésité à menacer ses contradicteurs.
Depuis qu'il est sous les verrous, à Marseille aujourd'hui, la peur a changé de camp.
Par Philippe Bidalon
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(Pour un meilleur confort de lecture,
j'ai découpé l'article en deux parties égales)